Continent sous euthanasie

Entre deux failles bruyantes
s’échappe la fée aux seins lourds
quand des millions de langues vivantes
flottant sur des petits corps en os
s’agrippent de toute leur âme
à la corne agonisante
d’un continent sous euthanasie.

© Amina MEKAHLI

Lèvres sans timbre (finaliste du prix Senghor 2019)

Tu ressembleras à ce matin d’été
où le soleil défigure les champs de coquelicots,
perdus dans une saison d’outre-temps
qui brûle les ailes des vautours mal-pensant

Derrière ton regard que j’aimais
tes pensées se dessèchent en soucis des chants,
quand j’enfonce mon œil dans ta bouche
pour y lire les mots pliés en quatre pour moi.

J’entrouvre tes lèvres sans timbre,
perdues dans les mains de l’émissaire du globe
et trempe ma plume plus longue que ton silence
dans la salive de l’histoire des peuples.

Premier acte d’une scène plate…
les marionnettes dorment sous les rideaux noirs
et toi Mime, les mains collées à mon cœur
tu dessineras les faubourgs et les rues vides.

Tu traceras de tes doigts fragiles
le contour de mes balbutiements colorés
comme un ciment de sève sur les mosaïques bigarrées
de mes origines en confusion.

Tu t’habilleras de ces guenilles
empruntées à la pauvreté des troubadours ailés
pour marcher dans le sillon des arroseurs de lilas
et des cueilleurs de pétales de roses séchées.

Mais ton rire en otage dans un cercueil mal refermé
ressortira de sa mort évanouie.

Les chevaliers sont perdus sur la voix lactée
là où ils prirent le ciel comme témoin de leurs enfance,
au pays des escargots à moteur et des bonbons au goût de fleur.

© Amina MEKAHLI

Comme ces matins qui font pleurer les oiseaux

C’est comme un matin de deuil
Comme ces matins qui font pleurer les oiseaux
Et qui font rougir le ciel honteux
Ce matin là qui ne vint pas au rendez vous
Des rossignols aux ailes blanches

C’est comme un matin de froid
Où personne ne serre dans ses bras,
L’âme grelottante sur le chemin
Des arbres trop vieux, qui s’inclinent
Sur le passage de la vie qui s’égare

C’est comme un matin de deuil
Comme ces matins où la nuit devient grise
Et que les voyageurs s’endorment enfin
Sur les fondrières d’une terre sans nom
Une terre de ronces d’épines et de cailloux

C’est comme un rossignol blessé ce matin
Qui chante sous la menace du tonnerre
En avalant ses sanglots et ses fins-mots
Sous sa langue meurtrie comme un bleu
Sur une joue rose où frappe le tempo

C’est comme un matin de deuil
Comme ces matins qui font pleurer les oiseaux
Et qui font oublier que la vie est encore en vie
Ce matin là qui ne vint pas au rendez vous
Des rossignols qui ne savent plus chanter entre eux.

© Amina MEKAHLI