J’ai vu tes yeux cachés dans la vie

J’ai vu tes yeux cachés dans la vie
de ce souffle chaud du volcan qui t’as brûlé
sur cette main serrée sur la clé d’une porte
dans ce pas hésitant à trouver le nuage rose
au fond de cette voix si douce sous la pluie de l’hiver.

J’ai vu tes larmes soudées à ton torse
comme des épées acérées contre la tentation
comme des sabots de bois sur le cristal du temps
et j’ai vu tes yeux rouges comme des braises silencieuses
sous la chair fumante encore de tes désirs improbables.

Je t’aime comme ce cri de douleur que personne ne perçoit
quand la chute dans le vide et sans témoins se veut silence
et je t’aime quand les pas dans le sable s’effacent peu à peu
sans souvenirs et sans histoires, soumis au vent et à l’amour
car je t’aime sans visage et sans paroles chaque jour naissant.

Amina MEKAHLI. Algérie.

Écrire jusqu’à se dissoudre dans l’oubli

Écrire jusqu’à se dissoudre dans l’oubli
se confondre avec les pages du cahier bleu
s’absenter de la vie courante dans son vacarme
se retirer derrière les rideaux du théâtre fermé

Écrire juste quelques lignes puis retourner au livre
s’émouvoir de tout indicible en souriant
se poser sur le bord d’une langue fatiguée
s’assoir sur une chaise électrique et allumer une bougie

Écrire sans toucher aux plumes de son oreiller
s’allonger à la fin du jour sur ses résolutions non tenues
fermer les yeux sur la cacophonie des verbes à l’impératif
et se laisser bercer par les cantiques que personne n’écrira

Amina MEKAHLI.

L’indécis entre mes rêves debout

L’indécis entre mes rêves debout
Et mes os qui craquent de froid
Palper les murs et les images parties
De l’autre côté des voyages interdits

Le ciel un jour s’est souvenu aussi
Mais devenu trop vieux et sans éclat
S’est blotti dans les duvets du jour gris

En attendant un pigeon bagué
Porteur de graine et d’eau bénite

Jusqu’à son bleu disparu dans la nuit
Jusqu’à son lit défait au matin
Jusqu’aux étoiles sur sa peau morte
Jusqu’à sa bouche de ciel fiévreux…

Amina MEKAHLI.

Je n’ai jamais su écrire

Je n’ai jamais su écrire ni pour attaquer ni pour me défendre.

J’écris parce que je ne sais pas faire autrement pour vivre en parfaite cohésion

avec le monde invisible,

avec l’écume des anges,avec les formes changeantes des nuages et des dunes,
avec la légèreté de la mort et celle des oiseaux,
avec l’incommunicabilité des vivants,
avec la proximité du ciel,
avec le langage des os,
avec le silence des disparus,
avec le rire des enfants,
avec les rêves des simples d’esprit,
avec les amours des siècles passés,
avec le futur qui ne dit rien.

Amina MEKAHLI.