Le spectre du pantin empaillé

Une rue qui ne mène nul part, qu’à toi, mausolée du saint oublié
Evoqué sans tambours quand vient la saison des amours gelés
Quand vient le tour de celui qui l’encens à la main attend ses ainés.

Je m’avance en sautillant sur le pavé disgracieux de ta vie
M’es-tu revenu un soir d’hiver comme un chandail troué ?
Pour me jeter comme un opprobre, ta caresse sur le dos ?

Revenu boiteux le bâton comme ami et le turban comme esprit
T’allonger dans cette sépulture taillée en souvenirs et en cris.
Pour trouver prés de moi pantin empaillé, le jauni de ton répit

Je ne t’ouvre qu’une lucarne car mes portes sont condamnées.
Rouillées de promesses, lourdes de secrets, un cercueil scellé
Comme une lueur, infiltre et diffuse toi dans ma longue cécité.

A côté du vase renversé sur la paillasse ou personne ne prie plus
Met ta grandeur d’antan, ton charme vieilli et ta gloire révolue.
En attendant mes pas, sautillants et légers sur le pavé disparu.

© Amina MEKAHLI

Petit sortilége

Esprit carré sous carré de terre.
La terre est ronde.Oui mes enfants.
La terre est ronde comme une pomme.
Une pomme de terre conte la fin

J’ai fin de toi, d’aiguille en fil
Poisson volant au mois d’avril
Heures de toi au loin s’empilent
Collier de temps, absence d’exil

J’ai fin de toi beau sortilège
Jeté sur mes rides en cortège.
Âge de pierre ou âge de neige.
Fondras-tu ?ou fondrai-je ?

Mange,
Est ta réponse,
Mange à ta fin
Est ton sarcasme.

J’ai fin de toi cœur de pique
Ventre en trèfle à quatre feuilles
Une feuille, une heure sur l’étagère
S’envole au vent, aux quatre vents.

J’ai fin de toi compote de potes
Fruits qu’on fit avec une fleur
Quand le soleil buvait mon heure
Arpentes-tu déjà mes lenteurs?

Mange encore,
Est ta réponse !
Mange une feuille
Est ton sarcasme.

Peine de conscience et peine de cœur.
Le cœur est rond, oui mes enfants
Le cœur est rond comme une panne
Une panne de cœur conte la faim.

© Amina MEKAHLI

Jument pucelle

Crinière brulée et front en nage
Malin tournoi, tournoi malin.
Jeux de quilles et quilles de vilains
Main sans doigts, doigts sans anneau
Anneau gastrique justifie les moyens.

Crinière de feu, visage visqueux
Maudit voyage, voyage maudit
Chemin tout droit sans pied gauche
Canne à sucre, yeux fermés.
Chien d’aveugle, laisse en joug.

Crinière charnière, chainon manquant.
Primate premier, premier primate.
Sujet singeant, couronne de pain.
Fausse fourrure sur vraie sottise.
Cervelle au beurre et cœur grillé.

Crinière au vent, paupières closes
Espace temps, temps espace.
Ailes brulées, ange déçu.
Dents blanches sur idées noires
Prairie verte pour brebis retrouvée.

Crinière rasée, crâne pudique.
Désirs timides, timides désirs.
Cheval chauve, chauve souris
Sourire en coin, angle obtus.
Tiroirs fermés, plan commode.

Cheval poulain, jument pucelle.
Baisers fermés, ombrelle ouverte.
Soleil de plomb, ombre chinoise.
Bourse des valeurs, principe de Peter.
Joker atout, atout joker.

© Amina MEKAHLI

La mort de l’enfant soldat

Sur les bords du cil s’installe et se profile
Le souvenir hideux de l’œil en exil
Frileuse mémoire qui ne dort ni ne file
Quand devant le présent les images se faufilent.

Un visage humecté se contraint au sourire
En un rictus tremblant de fièvre en délire
La bouche rassemblant ses troupes pour partir
Dans un râle étranglant une gorge en soupirs

Le cou de mille nœuds bleuâtres se dessine
Et la poitrine s’agite se déploie et s’échine.
Sur un cœur mal en point et un rythme qui décline
Décline, décline, décline, décline…

La peau s’éteint, le muscle se fane et s’endort
Les mains s’agrippent au vide en un vain essor
Le corps hurle, trahi par sa sève qui s’évapore.
Les oreilles s’attardent sur un factice désaccord.

Les jambes ne sont plus là, parties en guerre,
Elles sont restées accrochées, sans nul repère
A un tombeau de fortune ou git la paire
Grouillant de vermine gourmande de chair.

La mort, cette amie si douce et si lente.
Quand elle arrive enfin à frôler, errante.
Elle s’arrête, s’attarde, se penche et s’impatiente
De conduire au loin ce repu de la tourmente.

L’amie s’éloigne, chargée de néant
Semant l’oubli, sur un souvenir béant.
Les jambes s’enfuient sanglantes vers l’océan
Coulée de sang d’enfants et de sève de géants…

© Amina MEKAHLI