La danse du premier pas

Avoir les pieds qui saignent
et chanter malgré nous
accolés aux toits ivres
de toutes les prisons
et chanter malgré tout
l’air des gens moins vieux
l’air des gens qui tombent
pour se sentir amoureux.

Avoir les pieds qui saignent
aux portes des voyages
les semelles qui dechirent
des tickets pour l’absence
et des orteils usés
de jouer leur marelle
sur des trottoirs mouillés
sous une pluie de refrains.

Je ne chante plus non
je ne saigne pas
je ne saurai dire non
combien vit un pas
un jour une seconde
un siècle loin de toi
Je ne chante plus non
je ne t’attends pas
Je ne chante plus non
car je ne sais pas.

Avoir les pieds qui tremblent
et la peur de partir
quand on trouve le visage
qui ressemble à toujours
et une bouche qui trébuche
pour dessiner l’amour
sur la liste trop longue
d’un marchand d’habitudes.

Avoir les pieds qui glissent
sur des rêves en poussière
comme des étoiles brisées
comme des fragments de coeur
sur des bouts de sourires
sur des filets usés
et glisser à tomber
amoureux malgré nous.

Je ne chante plus non
je ne saigne pas
je ne saurais dire non
combien vit un pas
un jour une seconde
un siècle prés de toi.
Je ne chante plus non
je t’attends en bas.
Je ne chante plus non
Mais je danse le premier pas.

© Amina MEKAHLI

Le temps d’une orange

Je vous l’ai dit sans insister
Mais votre surdité me contamine
Et ce matin encore oiseau migrateur
Vos ailes ont laissé des plumes sur mon coeur
Je ne vous ai pas entendu voler sur mon courage
Pour souffler sur l’élan qui manque à notre âge

Je vous l’ai dit sans insister
Mais de tout mon silence j’aurais aimé m’envoler
Sur la route qui ranime sous le ciel qui enivre
M’envoler voyageuse comme on vole une orange
M’accrocher du bout de l’âme à vos destins en partance
Et me dessiner invisible tout prés de votre absence

Je vous regarde au loin le temps d’une saison
Et mon coeur vous entendra le temps d’une triste orange
Qui reste sous sa peau en pulpe intimidée
Pressée comme une toupie qui roule dans le desert
Et orange comme un soleil qui rougit au reveil
Je vous l’ai dit sans insister…

© Amina MEKAHLI

Un crime à pas refaire (fait vrai)

Il y a quelques années ma grand-mère avait adopté toute une famille pour l’aider à gérer sa grande maison et ses nombreux invités,la mère et les grandes filles faisaient tout chez elle mais avec la plus jeune,ma grand-mère était différente,elle l’inscrivit à l’école et se mit à l’aimer particulièrement,presque comme sa fille,enfin je dis presque mais bon.

Quand j’allais en vacances chez mes grand-parents,cette nouvelle tante qu’on avait, était géniale,elle avait notre age mais de plus et ce qui m’interpellait et me gênait beaucoup elle était toujours prête a nous servir, à nous rendre service,et bientôt notre complicité fut entière.Pour moi j’avais vite oublié son statut,je n’y pensais plus,je ne savais pas à mon age faire la différence,elle fut très vite pour moi une amie.

Quelques années plus tard,mes grands parents ayant décédé,leur maison fermée,et notre famille partie aux quartes coins de la planète,j’avais perdu de vue mon amie d’enfance,j’ai su par quelque cousin qu’elle était mariée dans une grande famille de la région mais sans plus de détails.

Ma tante il y a quelques temps que je revis pour une occasion particulière,m’annonce qu’elle était décédée,j’en fus bouleversée,essayant de comprendre et de demander comment,car elle était beaucoup plus jeune que moi,ma tante me répondit qu’elle avait eu un éclatement du foie,je demande encore avec beaucoup de curiosité et d’intérêt l’origine de cet éclatement,ma tante me répondit que non elle n’était pas malade,cela a été causé par des coups.

Je demande alors avec beaucoup d’insistance d’autres détails et ma tante me dit que son mari la battait beaucoup et un soir il a du forcer un peu et elle a été hospitalisée 48h avant de décéder.
Personne n’a déposé plainte contre cet homme ? Elle me répondit que non et puis maintenant c’était trop tard cela fait quelques années déjà…

Aujourd’hui encore je me demande comment cela peut-il encore se passer?,une femme est morte rouée de coups,elle a été hospitalisée et personne n’a rien vu,rien dit,elle a laissé ses enfants,son mari est remarié,tout le monde le vit bien…

Et moi j’ai une pensée pour elle,rien d’autre,pour notre enfance,pour la pauvreté,pour ma grand-mère qui l’a tant aimée,et pour la vie qui continue malgré les crimes impunis,j’ai une pensée pour elle impuissante,triste et sans recours…Comme ces familles pauvres dont la tristesse et la douleur sont sans recours…

© Amina MEKAHLI

Les fleurs du vivre

S’il devait pleuvoir sur les océans
pour que la liberté parle aux poissons
pour que les vagues soignent les naufragés
pour que les frontières ouvrent leurs mains sales

S’il devait neiger sur les oracles
pour que les prophéties fondent en larmes
pour que les dieux rougissent des hommes
pour que le ciel tombe enfin amoureux de la terre.

S’il devait venter sur les déserts
pour que la solitude emporte les écorchures
pour que les grains de folie embrassent la sagesse
pour que les enfants oublient les mots gourmands.

S’il devait pleuvoir sur les toits brisés
pour que le froid nous resserre contre le destin
pour que le nid se referme sur l’enfant des mammouths
pour que les bouches essuient les rêves de la géographie

S’il devait neiger sur les forêts
pour que l’arbre enlace les feuilles mortes
pour que les chemins de l’ombre montent vers l’étoile
pour que les jeux interdits courent vers la raison qui s’enfuit.

S’il devait pleuvoir des perles
pour que les yeux s’habillent de foi
pour que les mouchoirs blancs s’envolent vers les colombes
pour que les tristes sorts rentrent sous les bras des gens heureux

S’il devait neiger en nous
pour que nos coeurs apprennent à rire
pour que les morts se souviennent du soleil
pour que les âmes brisent les chaines des corps pendus

S’il devait une fois une seule fois et plus jamais
pleuvoir neiger venter sur les rêves des sans-passé
pour que la tendresse abreuve les seins arides
pour que le pain sente l’odeur des amours impossibles
pour que la patience s’habille des fleurs du vivre.

© Amina MEKAHLI