Aujourd’hui je t’écrirais peut-être

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Peut-être aujourd’hui,

Je t’écrirais mon chef-d’oeuvre et ton nom.

Je t’écrirais mon âme quand j’ai enfin cru que je n’en avais pas, je t’écrirais le silence des cimetières quand ils ne me répondent pas.

Je t’écrirais la course de la gazelle quand elle reconnait la mort dans l’oeil du voyageur, je t’écrirais le bruit de ses sabots que la vie n’entend pas.

Je t’écrirais le vol des oiseaux migrateurs sur les contrées arides, je t’écrirais le mirage de la terre qui ne se trompe jamais.

Je t’écrirais la brise qui fait frémir les feuilles mortes dans les ruelles où personne ne passe plus, je t’écrirais l’audace du soleil quand il s’adresse à la nuit.

Je t’écrirais les ailes quand elles tombent d’un ange sur un cocon, je t’écrirais la foudre que l’arbre centenaire ne craint pas.

Aujourd’hui peut-être,je t’écrirais.

Je t’écrirais des notes de musique avec ma voix de sirène démystifiée, je t’écrirais les vagues de chaleur qui emportent les glaces de mon pôle perdu.

Je t’écrirais cette ile volcanique qui s’enfonce dans l’océan, je t’écrirais les bâteaux qui ne portent pas de drapeau.

Je t’écrirais la soif qui s’allonge dans ma gorge aphone, je t’écrirais les départs qui n’ont pas de carte des routes.

Je t’écrirais les bouches qui sourient aux clins d’oeil, je t’écrirais les cris qui s’arrachent comme des dents de sagesse.

Je t’écrirais les prairies verdoyantes sur les livres d’espoir, je t’écrirais le diamétre du cercle infernal.

Je t’écrirais la photo jaunie que je m’invente dans l’ivresse des montagnes, je t’écrirais les lettres bleues que même les pigeons ne porteront pas.

Aujourd’hui,

Je t’écrirais tout ce que la vie ne sait pas, je t’écrirais tout ce que je ne sais pas moi non plus et comment pourrais-je savoir,moi qui n’ai jamais rien su.

Je t’écrirais les mains qui dans le noir se meurent d’avoir trop attendu, je t’écrirais ces doigts qui ont fait pleurer les rochers.

Je t’écrirais la haine de l’oiseau pour le fusil, je t’écrirais la haine des passeurs entre deux mondes,je t’écrirais la haine que je ne ressens pas.

Je t’écrirais les gazouillis de l’enfant repu, je t’écrirais comment fleurissent les orangers, je t’écrirais pourquoi aussi.

Je t’écrirais comment soigner une jument blessée, je t’écrirais ce qui me serre le coeur comme un étau, je t’écrirais ce qui ne sert plus à rien.

Je t’écrirais ce grand cratère après la lave des aveux qui brûlent, je t’écrirais le manque sur l’unique jambe d’un amputé.

Aujourd’hui, peut-être et encore demain.

Je t’écrirais le regard des agneaux sevrés, je t’écrirais les mains de l’innocence sur le cou d’un étranglé.

Je t’écrirais le verdict qui survole la cellule du condamné, je t’écrirais ce qui est écrit quelque part.

Je t’écrirais le ciel quand il ouvrira mon coeur, je t’écrirais la mer quand elle apprendra la nouvelle.

Je t’écrirais les fleurs qui poussent dans les champs de blé, je t’écrirais la pluie qui lave tout même les soupçons.

Je t’écrirais le lierre qui s’agrippe à la roche dévitalisée, je t’écrirais les châteaux de sable penchés dont les rivages se moquent.

Je t’écrirais ces millions de billets doux que personne ne lit jamais, je t’écrirais l’histoire du coeur de cette femme où si tu te cherchais, un jour peut-être, comme aujourd’hui, tu te trouverais à jamais.

 

© Amina MEKAHLI

Le bal des fêlés (pour les pas sages)

Pour t’ouvrir les volets
de ma maison d’jouets
il faudra que tu me donnes
un baiser.

Pour t’ prêter ma rose
le temps d’un bleu bouquet
il faudra que tu enlèves
tes souliers.

Pour te prendre dans mes bras
comme faisait ta poupée
il faudra que tu partages
mon goûter.

Pour te bercer le soir
dans ton lit dans le noir
il faudra que tu m’apprennes
à chanter.

Dans le bal des fêlés
où on apprend à rire
t’ auras des p’tites larmes sur
les joues.
Dans le bal des fêlés
ou on serre des peluches
t’ auras des bras doux sur
ton cou.

Pour t’ jouer du piano
dans ta pièce de théâtre
il faudra que tu m’affrètes
un tapis.

Pour t’apprendre à aimer
même tout ce qui te pique
il faudra que tu t’entraînes
à m’aimer.

Dans le bal des fêlés
où on apprend à rire
t’ auras des p’tites phrases sur
les joues
Dans le bal des fêlés
ou on serre des peluches
t’ auras des mots doux dans
le cou.

Pour t’ouvrir les volets
de ma maison d’jouets
il faudra que tu me donnes
un baiser.
Pour t’ prêter ma rose
le temps d’un bleu bouquet
il faudra que tu enlèves
tes souliers.

© Amina MEKAHLI.

La complainte de la peau

Quelques pas sur la rosée de ton aube évaporée
Posent sur la lèvre morte le souvenir d’un baiser
Tel une myrtille givrée sous le froid des années
Il fond sur l’écho d’un abysse qui appelle
La ferveur de ta peau un dernier soir d’Aveu.

Quelques pas tout prés de ton fantôme obstiné
Dessinent sur l’oubli un murmure en pointillé
Tel l’aubade désinvolte sous une fenêtre scellée
Il chuchote à l’écho d’un abysse qui appelle
Le silence de ta peau un premier soir d’Adieu.

Quelques pas sur l’océan de ta mémoire noyée
Brodent sur l’amnésie une caresse en filigrane
Telle l’ombre rougissante sous un soleil voyeur
Elle danse sur l’écho d’un abysse qui appelle
La solitude de ta peau un premier soir d’Adieu.

Quelques pas sur le rivage de ton corps embaumé
Raniment en cette âme vide les gestes évanouis
Tels des voiles d’organza qui virevoltent sans cris
Ils enveloppent l’écho d’un abysse qui appelle
La complainte de ta peau ce soir-là sans vous deux.

© Amina MEKAHLI

Atrophia

Il se laissa glisser sur des cheveux défaits,
Caressa un visage y cherchant la lueur
de ce ciel étoilé où l’attirait une fée.
Lui qui n’a jamais su la pleine nuit venue
sur quel amour verser son coeur atrophié.
Lui qui ne reconnaissait de son âme légère,
Que ces reflets volés à un miroir blessé.

© Amina MEKAHLI