Tous leurs silences me tuent

Tous leurs silences me tuent
et leur abnégation m’étouffe,
leurs regards vers un soleil qui ne leur appartient pas,
leurs ambitions empruntées aux banques,
leurs peurs maquillées de douceur,
et leur faim jamais rassasiée.

Je suis lasse de ramasser du bois
pour réchauffer mon cœur glacé
par les couteaux dans le dos
par les silences enrobés de mépris
par l’ignorance qui me tue avec les miens,
sous les vagues désolées de la Méditerranée.

Je meurs autant que je ne vis plus
en regardant les nuages confus sur ma terre
en pleurant comme la pluie sur une cour d’école
en fermant les persiennes pour ne plus voir la lumière
en pétrissant du pain pour narguer la famine
en embrassant mes pantoufles avant de franchir le brasier…

Amina MEKAHLI

J’ai mangé les derniers brouillons

J’ai mangé les derniers brouillons
du livre que je pouvais écrire
Sur la table basse
à côté de ma tombe ouverte
j’ai posé ma plume.
Mes doigts enfouis dans la semoule chaude
cherchaient ma bouche
Je n’ai pas trouvé l’adresse du rêve
que j’ai dessiné sous mes pas
Tout disparaissait dans la poussière
des arbres sous le vent.
J’ai avalé l’encre noire des derniers poissons
morts sur le rivage
Ma langue de bois a pris feu
 sous le dernier coup de foudre du ciel
Mais l’eau  qui dort sous le désert
se méfie des chercheurs de vérité.
Le jour se lèvera demain
avec les drapeaux
et les têtes et les yeux
Sur la nuit des destins
emmaillotés dans la terre nourricière.
Voilà le livre qui nourrira les espoirs
et l’indignation et les oiseaux migrateurs…
Ouvrez-le à la page suivante
pour apprendre à disparaître
 sans enchantement.
Amina MEKAHLI.

La femme assise

Ce ne sont pas mes jambes
qui sont courtes quand
tu apparais au loin.

Ce sont mes yeux qui se referment
sur l’horizon de mes regrets

Et puis j’entends ce bruit
dans ma gorge ;
le bruit des choses coupées,
celles qui pleurent
comme des fleurs
qu’on arrache lentement…

Amina MEKAHLI.