Quand tout s’éteint dans le ventre de l’exil

Quand tout s’éteint dans le ventre de l’exil
Les lumières des ports dans les yeux abîmés
Les visages transis sous des mains sans drapeau
Quand tout s’éteint que tu oublies le chemin
Du retour vers la mer qui vomit ton radeau
Montre leur ton étoile et dis leur ton nom
Quand tout s’éteint… allume en toi l’enfer de l’oubli.

© Amina MEKAHLI, “Septains inanimés”.

Emprise

Trois mains l’ont aimée une nuit
Pendant que deux s’enivraient
Tremblantes et coupables de ferveur
Celle de Dieu elle retardait le jour.

© Amina MEKAHLI

Les femmes algériennes dans “la polygamie affective”

Je ne suis pas psychologue, ni sociologue, ni rien du tout. Je suis une personne qui écoute les autres, qui écoute beaucoup et beaucoup de monde.

Et j’en viens à me poser des questions, des dizaines de questions, sur les rapports entre tout ce monde, sur les rapports hommes-femmes, femmes-hommes, sur les rapports amoureux, ou dit comme tels.

Ces relations torsadées, alambiquées, compliquées, inextricables parfois, ces douleurs, ces entêtements, cette incapacité majeure de la rupture.

Oui les gens ont du mal à rompre, à choisir, à trancher, à passer à autre chose, à vivre autrement avec autrui, cela à l’air de généralités et pourtant…

J’en arrive au moment où j’écris ce papier au constat alarmant que la majorité des femmes que j’ai connues ( juste pour ne pas dire toutes en fait ) vivent ou ont vécu une relation avec un homme qui aime une autre femme. Des femmes qui le savent, d’autres qui le se le cachent, et celles qui souvent font semblant de l’ignorer.

Cela semble excessif oui je sais, mais cela est réel, je fais un balayage depuis quelques semaines dans ma mémoire de dizaines et de dizaines de femmes, et je le confirme, des femmes de tous milieux socioprofessionnels confondus n’ont aucun mal à vivre une relation amoureuse avec un homme, marié, fiancé, ou qui simplement a une autre relation avec une autre femme, en résumé avec un homme amoureux d’une autre femme. Au début je m’inquiétais beaucoup car je pensais qu’elles n’étaient pas au courant…Puis j’ai changé d’avis en m’intéressant de plus prés au phénomène.

Et c’est là que mon questionnement commence : par quel processus la femme algérienne se met-elle à accepter cette polygamie des sentiments ? Comment en arrive-t-elle là ?

D’abord je pense que chacune d’elle quand elle en parle, pense vivre un cas exclusif, et elle en parle dans ces propos souvent : Parce que vous ne pouvez pas comprendre, parce que c’est compliqué, parc qu’il est exceptionnel, parce qu’il ne veut pas blesser l’autre qu’il n’aime pas mais…

Oui mais !  Ce discours moi, je l’entends des dizaines de fois, chez des femmes de plus en plus jeunes, toutes différentes les unes des autres avec ce seul point commun :  Elles partagent un homme avec une autre femme et elles trouvent cela tout à fait normal !

Parce que c’est de l’amour, disent-elles, toutes… Oui c’est de l’amour, elles sont amoureuses et l’amour vous ne pouvez pas comprendre, l’amour c’est compliqué, l’amour c’est se battre et c’est gagner ! Elles vivent leur histoires de cœur comme des tournois, comme des combats, comme des guerres, qu’elles mènent contre l’autre femme, car elle est moins méritante, elle est l’intruse, parce que leur homme est naïf et qu’il ne sait pas ce qu’il fait…Parce qu’elles ont le pouvoir de changer les choses…

Jusqu’à ce stade des choses je ne suis que dans l’écoute encore car comprendre est une autre paire de manches, comprendre comment et pourquoi ces femmes qui par ailleurs se battent pour la liberté, pour l’émancipation, pour la modernité, ces femmes qui gagnent bien leur vie souvent, qui voyagent, qui sortent s’enferment ainsi dans ces relations conflictuelles, ambiguës, et souvent sans issues, pourquoi ?

Pourquoi ces femmes appellent-elles “Amour” ce sentiment d’insécurité, de fragilité, cette humiliation, ce tourment, ce partage, cette rivalité ?

Pourquoi toutes ces femmes intelligentes croient-elle avec une grande naïveté ou avec une grande sournoiserie qu’un homme peut…avoir deux relations, avoir une femme ou une fiancée et continuer à vivre des relations amoureuses avec des femmes jeunes et pleines d’avenir, qui attendent encore beaucoup ?

Comment ces femmes en arrivent-elles à penser qu’un homme qui n’est pas célibataire peut vivre comme tel ? Libre d’aimer et de sortir avec une autre femme en toute “quiétude” Comment est-ce qu’elles se mettent dans cette situation de passivité ?

Car c’est bien de relations amoureuses dont il est question, pas de relations passagères et sans lendemain, non mais de relations dans lesquelles ces femmes plongent cœur et âme, dans lesquelles elles se projettent, dans lesquelles elles souffrent, calculent, manipulent, racontent, pleurent…

Il y a quelques années je pensais que quelques cas, comme partout dans le monde ne doivent susciter aucun constat, car il existe aussi des non algériennes qui ont cette capacité d’accepter ce genre de relations, mais là je me rends compte de plus en plus que ce phénomène est quasi généralisé, presqu’une normalité, des femmes fortes, arrogantes, persuasives, cultivées, indépendantes, qui vivent avec des polygames affectifs.

Car c’est ainsi que j’ai décidé de les appeler ces hommes “Les polygames affectifs”, ces hommes qui n’ont aucun problème à vivre des relations amoureuses avec deux, voire plusieurs femmes, des hommes qui ne le cachent pas, qui en sont fiers, qui n’ont même pas peur que l’autre le sache, mais au fait quelle autre? La première, la deuxième? il n’y a pas de classement, pas de chronologie, pas de problèmes, elles le savent les femmes!! disent-ils presque unanimement comme si j’étais la seule à ignorer ce consensus; oui elles le savent, nous ne sommes pas des menteurs, les femmes acceptent alors pourquoi nous en vouloir à nous les hommes ? Nous sommes honnêtes pourtant !

Les femmes, elles souvent, disent une expression qui m’a marquée, ”  Bizarrement avec lui je ne suis pas jalouse ” elles soignent leur jalousie, alors que c’est leur fierté qu’elles devraient commencer à soigner…

ÇA qui en vouloir ? Et pourquoi en vouloir ? En effet tout le monde semble d’accord, les hommes les femmes, les maîtresses, les petites amies, les officielles, les officieuses, le monde semble tourner normalement…Et moi j’écoute.

Il y a des histoires qui durent des mois, d’autres qui durent des années entières, des femmes qui aiment, qui se battent, qui souffrent, et qui ignorent seulement qu’elles ont peut-être un atavisme qui vient de loin, une prédisposition culturelle ou sociale à accepter de partager un homme avec une autre femme, un archaïsme qui se cache derrière leur modernité, leur émancipation, leur rêve de liberté.

Je ne viens par ce texte ni agresser les hommes ni consoler les femmes, non je viens juste parler de ce qui se passe autour de moi, loin des discours cousus sur mesure où se mêlent religion et frustration, loin de ces non-dits et de ces interdits, loin de tous les donneurs de leçons qui feraient mieux de balayer devant leurs portes.

Tout ce qui se passe autour de moi me concerne, pour mes amis, pour mes fils et leurs choix dans la vie…

Ces femmes qui ont le discours haineux de l’homme, qui ont le discours féministe, qui ont le discours décousu, complètement déconnecté de leur propre réalité, ces femmes qui mélangent tout, et qui encouragent le comportement des hommes, un cercle vicieux où chacun jette la faute à l’autre, où personne n’est responsable, où le bonheur est un concept et l’amour un produit sur mesure.
Ces femmes qui ne se demandent jamais si ces hommes modernes et fragiles, tourmentés dans leurs histoires de cœur, si ces hommes-là accepteraient qu’une femme puisse partager sa vie et son temps entre deux hommes ? Cela ne semble pas envisageable pour les femmes elles-mêmes en fait.

Ces femmes qui se battent à l’envers, dans le vide, à contre-sens, qui refusent de voir les choses telles qu’elles sont, qui font d’une généralité commune un cas exceptionnel, une histoire hors du commun, la grande tragédie amoureuse de leur vie… L’amour n’est pas une tragédie !

Dés qu’on parle de polygamie en Algérie, on pointe du doigt les barbus et les islamistes, mais il y a une autre forme nouvelle ou peût-etre juste nouvellement devoilée au grand jour, celle de ces hommes libres et modernes qui ont du mal à concevoir que l’amour est exclusif, qu’une femme c’est une à la fois et pas plus…

Que la modernité c’est avant tout sortir de l’archaïsme d’une tradition polygame.

En aucun cas je ne parle des relations basées sur les intérêts, l’argent, le positionnement social, quand les femmes avouent que ce sont les motifs de leurs relations, cela reste leur problème et cela susciterait un autre débat ; non je parle de sentiments, de femmes réellement amoureuses ou qui croient l’être vraiment, ces femmes qui aiment des hommes qui ne les aiment pas assez pour n’être qu’avec elles, mais suffisamment pour ne pas les quitter et ce parfois durant de longues années…

Mais finalement si la polygamie ne dérangeait autant que parceque des héritages et de l’argent sont en jeu ?

© Amina MEKAHLI

Comme une colombe déshabillée

La vie comme si je l’avais vue
Un soir d’été sous un figuier
Ni fleur ni bruit ne diront plus
Les mots sucrés qu’on a mangé

La vie ainsi comme sur un fil
Joue dans mes doigts effilochée
La dame de coeur en moi s’envole
Comme une colombe déshabillée

Ni rien ni plus ne sauront dire
Les bleus instants où tout se tait
Entre le cyprès et l’oranger
Quand la vie se met à chanter

La vie s’entend quand elle chuchote
Quand elle murmure aux coeurs tués
Cette musique qu’elle a trouvé
Un soir d’été si prés d’aimer.

© Amina MEKAHLI