Réflexions d’un chameau assis

Comment traverser les gènes comme une ombre
Et arriver au point où plus rien ne ressemble
Au silence des aînés murés dans un pétale de rose
Entre deux pages jaunies d’un livre qui tombe des mains.

Dans le vestibule des traditions attendent les rois bossus
Pour entrer dans l’arène des esclaves porteurs d’eau
Et se battre chaines aux yeux contre l’aveuglante tendresse
D’une descendance accrochée au ventre d’une montagne

Comment manger avec ses doigts dans le plat en or vide
Nourrir sa rancœur de siècles rassis et de pain sec
Pour boire une eau de fleurs et d’arbres sous les racines
Plus longues que l’histoire du monde écrite sur l’écume d’une aube

Les dents les os les chapitres et les cyprès verdiront un jour
Sur le sable noir sur la roche blanche et sur le parchemin du faussaire
Dans le désert des fous sous les casques des geôliers du temps
Fleuriront les veines en bouquets d’audace
Et bourgeonneront les peaux en pensées sauvages.

© Amina MEKAHLI

Le conte du Baiser

Derrière les arbres de feu aux feuilles rouges
Se cache un cœur à la fleur d’oranger
Dans l’écrin de paille d’un épouvantail malheureux
Baiser O baiser des soirs volés
Quand les ogres sourient aux sentiers battus
De voir le poucet petit marcher sur la voie lactée
Il reviendra sous la pluie chercher la fée
Baiser O baiser des enfants trop pauvres
Les petites mains sucrées du bonbon partagé
La tristesse est revenue les chercher longtemps après
Dans les buissons aux épines glacées
Baiser O baiser des anges
Ils sont tous repartis sur l’ile des méchants
Chercher la terre qui chatouille les pieds nus
Sous un volcan farceur qui deviendra grand
Baiser O baiser des marchands ambulants
Pour une barbe à papa au goût de la langue
Enfant de Babel tu chanteras le gazouillis du ciel bleu
Vêtu de colliers de joug et de rêves enrubannés
Baiser O baiser des folles années
Les lèvres dessinées aux crayons de couleur
Sur les pierres et les rochers amoureux d’une siréne
Etoile vivante qui nage sur les touches d’un piano
Baiser O baiser O filtre O venin
Oiseaux rieurs et sorcières qui jettent les sorts
Pour que s’empoisonne la vie des galets au soleil
Et que se brisent les rondeurs des châteaux de sable
Sur les amants que les vagues ont noyés
Baiser O baiser sur un nuage
Caramels talismans et serments
Le temps abime les tons de rose en camaïeux
Le temps mange des baisers… à sa fin !

© Amina MEKAHLI

Générique de moi

A l’orée
des mots vieux
du sang neuf
des larmes viles
de la salive bavarde
La haie
d’honneur
d’orgueil
de recul
Langage
poussiéreux
pensée désuète
amalgame de souvenirs,
de sentiments scandés
Dessein de regards fous
de mains tricheuses
Fleurs sans adresse
sur un désir solitaire

Les cuisses racontent
la langue répète
inlassable
torride
la ferveur et l’écho

Poésie de rue
quand tu t’écris
seule
sur les bancs vides
d’abandon
quand tu chantes l’envol
de l’oiseau servile

Ailes de moi
aidez-moi
je suis à sol
sans musique
sans eau
volez plus haut
que ce corps
dans les arbres
dans le mal

Ailes de moi
battez le vent
qui souffle
dans l’arène
où les femmes nues
affrontent les cornes
Rues de poussière
ciel de mémoire
terre de vagins brûlés
au fer rouge

Silence
Je vole
et je suis
dans mon charme
vaincue
Ailes de moi
venez sans gravité
saisir le monde
par les paupières

Silence
Je tourne
mon image noire
blanc…
et puis rien
plus rien…
monte toi
Générique
de moi.

© Amina MEKAHLI

La nuit chatouille à peine les remparts de l’oubli

La nuit chatouille à peine les remparts de l’oubli
Que des rires d’enfants raisonnent sous la vie
De magnanimes caresses du bout de la rancoeur
Déposent leurs frissons qui ressemblent au printemps

Quand c’est l’âge qui étrenne sous les étoiles bleues
Ces corps remplis de temps et rangés deux par deux
Comme des bouquets séchés d’immortels souvenirs
Dans des vases sans couleur au cristal fatigué

La nuit donne à manger à ceux qui l’attendaient
De leur faim habillés sur les perrons des coeurs
Un baiser à la main et une larme aux bout des lèvres
Le regard enneigé et la langue sous les flammes

Les mots sertis de fleurs éclosent prés des tympans
Brodés dans l’harmonie de la foudre et du vent
Ils bourgeonnent dans l’écho des sourires revenus
Et retombent sur la peau qui couvre le firmament

La nuit chatouille à peine les remparts de l’oubli
Que des rires d’enfants raisonnent sous la vie…

© Amina MEKAHLI