Comme le violon aveugle

Je n’ai pas entendu le souffle
Du désir ininterrompu
Je n’ai pas vu le temps
Ni s’arrêter, ni mourir,
En moi comme la musique
Comme le violon aveugle.
Je n’ai pas rêvé, ni vu,
Ni imaginé les nuages qui tombent
Sur mon oreiller qui tremble.
Je n’ai pas connu l’inconnu.
Je ne l’ai pas touché, ni bu
Au firmaments du non-dit.
Il s’en est allé pressé comme une lettre
Rejoindre l’inconnu à cette adresse.
Je suis encore plus seule
Que les oiseaux migrateurs
Dans ce pays sous le volcan,
Qui livre sa lave aux livres
Aux histoires de la terre
Aux contes du mirage
Aux oracles et aux destins.
Je suis seule comme la neige
Qui craint la fonte et qui fond
Dans la logique du vouloir-vivre,
Dans le chaos de la survie,
Dans les images du déjà-vu.
Je n’ai pas vécu
La vie qui vous rend coupables,
Qui vous ligote dans le secret,
Qui vous fait chanter
Jusqu’à chanter,
Et puis écrire, et puis vomir,
Et puis mourir.
Je ne suis même pas morte.
Moi qui voulais mourir
D’amour.
Je mourrais de mort,
Et d’autres choses.


© Amina MEKAHLI.

Sur la route de tes mains

Je connaîtrai sur ta peau
Ce que languit la mienne
Cette inquiétude de l’heure
Qui ne peut se raconter

Cet instant qui finit déjà
Tout en commençant.

La passion n’est que fuites
Et recommencements
Elle est mots éparpillés
Et cheveux troubles

Je ne me suis jamais
D’aucun secours.

Le vent habitera ta vacance
Qui fera le bruit sourd
Des choses qui claquent
Des choses vides

Je serai une suiveuse
Sur la route de tes mains

Mon bonheur est plein
De petits bouts de phrases
Celles qu’on finit,
Toujours avec les yeux.

Cet instant recommencera
Les murs ne diront rien.

© Amina MEKAHLI.

Sur nos cœurs déchus

De courir dans les blés
Mes yeux ne cherchaient
Que l’espace rieur
De tes petits bras ouverts.
La nuit ne venait pas
Quand au soleil couchant
Nos bouches ouvertes
Et nos yeux clos
Nous attendions
L’amour.
Il faisait tellement jour
Dans tes mains
Que mes pas
Ne se perdaient plus
Sur le sentier des grands.
Nous étions toi et moi
Et le soleil d’antan
Et puis la grande marelle
Et toutes ces chansons.
Le sable et ses dessins
Les vagues sur l’oubli
Les étoiles fanées
Et tout ce pain rassis.
Plus rien ne nous attend
Au bord du chemin
Entre tes bras ouverts
Le vent s’est installé.
Et sur nos cœurs déchus
Se promène
Un oiseau
Il picore des mots
Avec son bec gris
Et les dépose le soir
Sur un livre de chevet.

Amina MEKAHLI.

La cousine des oiseaux

Les oiseaux me demandent
Pour qui j’écris
Je n’ai de mots leur dis-je
Que pour vos ailes libres
Le ciel que vous battez des flancs
Sans trajectoire et sans lit
Je suis leur dis-je votre cousine
Celle qui est née à côté du nid
Et qui attend toutes les nuits
Que ses ailes reviennent
Les oiseaux me regardent
Comme un nuage immobile
Écrivant ses retours et ses peines
Sur les pierres lourdes du passé
Sur les volets des maisons abandonnées
Sur les murs des villes de l’enfance
Sur les peaux mortes de chagrin
Les oiseaux me ressemblent
Quand ils décident de disparaître
Au delà les montagnes forteresses
Au delà le jour qui retentit sur les prisons
Au delà les yeux qui ne regardent plus
Et j’embrasse toutes les lettres revenues
Accrochées aux ailes silencieuses
Qui déchirent l’espoir de repartir
Au delà les cimes des arbres vieux
Au delà les têtes des condamnés
Au delà l’amour qui ne meurt pas.

© Amina MEKAHLI.