Journal intime d’un crayon noir (1)

Ecrire encore et encore, les mots qui sonnent faux, les mots gluants, les mots trébuchants, les mots qui tombent, qui tombent de haut mais à coté, à coté de tout, loin de la peur, la peur géante qui caresse la vie comme une épée, comme un couteau sous la gorge. Ecrire la peur de vivre avec des mots.

Ecrire par paresse, par flemme d’ouvrir une fenêtre et regarder passer le ciel, écrire pour sentir la neige fondre dans un palais désert, écrire pour deviner le goût d’un baiser, pour réapprendre une langue, étrangère et inconnue.

Ecrire pour embrasser.

Ecrire pour se taire, pour arrêter de dire, de dire ce qui recommence  au matin, comme un croissant chaud, comme un nuage de lait, comme un rossignol trop vieux, comme une habitude avec des fers aux pieds qui se traîne péniblement jusqu’à l’ivresse d’un mot nouveau.

Ecrire pour retrouver le piano, retrouver la partition inédite sur les genoux d’un corps céleste, écrire pour la musique car seule la musique donne aux mots leur non-sens, leur faire-valoir, leur acte de naissance.

Ecrire ce n’est pas avoir du talent, écrire c’est avoir du sang-froid, avoir de l’endurance dans la gaîté, de la patience pour sa propre bêtise, écrire c’est avoir la force de ressembler à ses propres mots.
Ecrire c’est aimer, aimer ce qui ne se voit plus, aimer l’incertain, l’incrédule, aimer le difficile, l’impossible, écrire c’est aimer dans le néant, aimer dans les contours d’une éternité.
Ecrire c’est arrêter de convaincre, arrêter de jurer, arrêter de pleurer, arrêter de rougir. Ecrire c’est recommencer.
Ecrire c’est aimer sans bruit, aimer sans voix, aimer sans cris, écrire c’est se trouver dans son exil intérieur, c’est voler des sourires absents. Ecrire c’est vivre des joies muettes.

Ecrire c’est aimer pour aimer.

© Amina MEKAHLI

Vous avez aimé le texte ? Alors laissez un commentaire juste au-dessous ↓

commentaires

Laisser un commentaire