Les intermittents de la vie

J’ai une pensée pour toutes celles et tous ceux qui ne peuvent se permettre le luxe de rester chez eux, celles et ceux qui gagnent leurs vies à la journée, à la sauvette, dans l’informel.
Celles et ceux qui ont des familles à nourrir mais qui ne peuvent pas stocker car eux-mêmes ne stockent pas leur argent qui suffit à peine à acheter quelques denrées chaque jour.
Celles et ceux qui travaillent pour une bouchée de pain arrachée comme une aumône à des patrons sans scrupules, et qui n’ont ni assurance maladie ni congés payés.
Celles et ceux qui vendent tout et n’importe quoi sur des bouts de trottoirs à même les rues, du pain, des camelotes, des bottes d’herbes ou quelques gousses d’ail…
Celles et ceux qui triment dans les maisons, dans les chantiers, dans les jardins, dans les ateliers, dans les garages des autres en échange de quelques sous en attendant demain…
J’ai une pensée pour celles et ceux qui hésitent entre acheter un masque ou acheter dix baguettes de pain, entre acheter du lait aux petits ou de l’eau minérale aux vieux…
Se confiner chez soi est un luxe, rester au chaud avec ses enfants à regarder la télévision où lire un livre est un luxe, ne pas devoir prendre les transports en commun pour se rendre à son travail est un luxe, s’acheter du gel machin truc est un luxe…
Se confiner chez soi pour faire du télé-travail sans craindre pour son salaire et sans perdre sa couverture sociale est un luxe…
J’ai une pensée pour toutes ces femmes et tous ces hommes en Algérie qui sont les petites fourmis d’une économie informelle qui enrichit les patrons et les caisses occultes, ces personnes que rien ni personne ne protège contre les aléas de la vie et qui vivent la précarité au jour le jour…
Ces personnes qui devront sortir, tous les matins corona ou pas, pour gagner leur pain quotidien (sans jeu de mot)…
Alors s’il vous plaît arrêtez de vous plaindre de ce grand luxe que la vie vous offre de pouvoir rester chez vous au chaud avec vos parents ou avec vos enfants…

Amina MEKAHLI.

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J’ai mangé les derniers brouillons du livre que je pouvais écrire

J’ai mangé les derniers brouillons du livre que je pouvais écrire
Sur la table basse à côté de ma tombe ouverte, j’ai posé ma plume
Mes doigts enfouis dans la semoule chaude cherchaient ma bouche
Je n’ai pas trouvé l’adresse du rêve que j’avais dessiné sous mes pas
Tout disparaissait dans la poussière des arbres sous le vent
J’ai avalé l’encre noire des derniers poissons morts sur le rivage
Ma langue de bois a pris feu sous le dernier coup de foudre du ciel
Mais l’eau qui dort sous le désert se méfie des chercheurs de vérité
Le jour se lèvera demain avec les drapeaux et les têtes et les yeux
Sur la nuit des destins emmaillotés dans la terre nourricière.

Voilà le livre qui va nourrir les espoirs et l’indignation et les oiseaux migrateurs
Ouvrez-le à la page suivante pour apprendre à disparaître sans enchantement…

Amina MEKAHLI.

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J’ai vu tes yeux cachés dans la vie

J’ai vu tes yeux cachés dans la vie
de ce souffle chaud du volcan qui t’as brûlé
sur cette main serrée sur la clé d’une porte
dans ce pas hésitant à trouver le nuage rose
au fond de cette voix si douce sous la pluie de l’hiver.

J’ai vu tes larmes soudées à ton torse
comme des épées acérées contre la tentation
comme des sabots de bois sur le cristal du temps
et j’ai vu tes yeux rouges comme des braises silencieuses
sous la chair fumante encore de tes désirs improbables.

Je t’aime comme ce cri de douleur que personne ne perçoit
quand la chute dans le vide et sans témoins se veut silence
et je t’aime quand les pas dans le sable s’effacent peu à peu
sans souvenirs et sans histoires, soumis au vent et à l’amour
car je t’aime sans visage et sans paroles chaque jour naissant.

Amina MEKAHLI. Algérie.

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Écrire jusqu’à se dissoudre dans l’oubli

Écrire jusqu’à se dissoudre dans l’oubli
se confondre avec les pages du cahier bleu
s’absenter de la vie courante dans son vacarme
se retirer derrière les rideaux du théâtre fermé

Écrire juste quelques lignes puis retourner au livre
s’émouvoir de tout indicible en souriant
se poser sur le bord d’une langue fatiguée
s’assoir sur une chaise électrique et allumer une bougie

Écrire sans toucher aux plumes de son oreiller
s’allonger à la fin du jour sur ses résolutions non tenues
fermer les yeux sur la cacophonie des verbes à l’impératif
et se laisser bercer par les cantiques que personne n’écrira

Amina MEKAHLI.

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