Trois poèmes traduits en anglais par Huguette Bertrand (Canada) en vue d’une traduction coréenne à paraître dans deux anthologies par l’éditeur américain Stanley H. Barkan

Sur un quai de gare sans train

Délier ma langue et ma pelote et délier
le vent sur mon voile terreux, sur mes seins
et sur mes lèvres ; sur la femme interdite
que j’ai domptée comme on dompte un lion.

Délier mes parchemins vieux de mille ans
et délier les filaments de chair sur l’horloge
et sur les toiles d’araignée de l’absence,
que je chasse de mes doigts fatigués d’écrire.

Délier les nœuds de mes pense-bêtes
et les délaver des souvenirs embarrassants
laissés comme un bagage de trop
sur un quai de gare sans train.

©Amina MEKAHLI

On a station platform without a train

Untie my tongue and untie
the wind on my earthy veil, on my breasts
and on my lips; on the forbidden woman
that I have tamed like a lion

Untie my thousand-year-old scrolls
and untie the flesh filaments on the clock
and on the cobwebs of absence,
that I chase away with my fingers tired of writing.

Untie the knots from my reminders
and wash away embarrassing memories
left as an one too many luggage
on a station platform without a train.


Les ponts que je construirai de mes mots

L’eau a cessé de couler sous les genoux
Des arbres et des palmiers
Les ponts que je construirai de mes mots
Seront mon seul passage vers la mer

Il est un temps pour les adieux à l’insouciance
Il est un temps pour le tourment
Et je bâtirai de mes mains cet abri sans failles
Pour mes petits jours vieillissants

La pluie efface et le soleil recommence
Un par un ses rayons me regardent fuir
Vers l’espoir qui ne ferme pas les yeux
Vers la vie sous le joug des vieux sages

La dune se casse sous ma bouche asséchée
Les mots sont mouillés sous les paupières
Je serre ma canne sous mon pas décidé
Pour laisser des traces sur les sentiers battus.

©Amina MEKAHLI.

 

The bridges I will build with my own words

The water has stopped flowing below
Trees and palm trees
The bridges I will build with my own words
Will be my only passage to the sea

There is a time for farewells to carelessness
There is a time for torment
And I will build with my hands this flawless shelter
For my aging little days

The rain erases and the sun reappears
One by one its rays watch me fleeing
Towards hope that does not close its eyes
Towards life under the yoke of the old wise men

The dune breaks under my dry mouth
Words are wet under the eyelids
I hold on to my cane under my firm step
To leave tracks on the beaten trails


La plume inconsolable

Viens ma plume tout près
Il fait froid dehors et noir
Comme cette encre que tu aimais

Repose-toi du temps perdu
Où tu tremblais sous ta muse revenue

Repose-toi de la main des faussaires
Qui t’étranglaient de leurs mots détournés

Viens ma plume tous près
Là où tu pourras dormir et rêver
Du conte de fées que tu n’as pas écrit
Et de toutes ces histoires mal entendues

Allonge-toi ma plume sur la terre muette
Sous le vieux saule pleureur
Que tu n’as jamais pu consoler

Endors-toi ma plume sur cette feuille morte
Tombée du haut du ciel sur les racines oubliées
D’une forêt qui brûlait.

©Amina MEKAHLI.


The inconsolable feather

Come close my feather
It’s cold outside and dark
Like that ink you loved

Rest from wasted time
Where you were shaking when your muse came back

Rest from the counterfeiters’ hands
Strangling you with their hijacked words

Come close my feather
Where you can sleep and dream
of fairy tales you didn’t write
And all these misheard stories

Lie down on the mute earth my feather
Under the old weeping willow tree
That you’ve never been able to comfort

Sleep my pen on this dead leaf
Fallen from the top of the sky on the forgotten roots
From a burning forest.

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