Orientations

Devant les étendards
De toutes les iles perdues derrière notre brouillard
Quand s’étend le bras vide au bout du panier creux
Famine en terre de blé de quel silence manges-tu?

Devant la pénombre
La robe trainant le pan sur les sables mouvants
Les pieds brunis de chemins sur un vieux sol endormi
Et les lévres trempées dans la cigue des chants d’ésclaves

Devant la porte
Derriére tes illusions noires de nuit et grises de vanité
Tu te dénudes de toi même et t’enduis de versets
Femme blanche flagellée que te veux le vent ce soir?

Devant la sépulture
Les fleurs se ramassent par des mains immortelles
Et se font déchiqueter pour lire le livre de vie
A l’ombre du saint patron d’un mausolée sanctifié

Devant les miroirs
Sur les toits des villes fantômes oú vivent les ombres nées
Tu regardes ce qui reste de ton sourire en petits traits
Femme voilée de décence de quel ciel te caches-tu?

Devant Toi
Quand tu passes derrière les fils immobiles du temps
La tête haute haute sous le joug des pleines lunes
Et les cheveux qui s’abritent dans des mains vieillissantes

Devant les hommes
Témoins levez vous!Il n’est plus temps de raconter le dit
Il n’est pas venu le chant qui reveille les vieux tourments
Coeur à quatre vents dans quel orient te lèves-tu?

Devant les étendards
Quand vient le jour qui se léve sur nos destins écartelés
Nos têtes accrochées au peloton du dernier rêve enfui
La bouche dans la bouche pour sceller nos blancs secrets.

© Amina MEKAHLI

La six gales et la fournaise (de gens de la fonte haine)

La cigale ayant tâté
Toutes les taies,
Les trouva fort décousues
Quand la ouate fut tenue :
Pas un seul petit texto
Du louche ou du dernier sot
Elle alla dorer sa mine
Chez la fourmi en piscine.
Lui criant de s’écarter
Du rayon qu’elle convoitait.
Jusqu’à la raison soudaine
« Je lui plairais, lui dit-elle,
Avant vous, moi la rivale,
Instaurée et radicale. »
La fourmi n’est pas heureuse :
C’est là son moindre des maux.
Que feriez-vous pour votre show ?
Dit-elle à cette ambitieuse.
-Bruit et sourd à tout menant
Je changeais, de vous la niaise.
Vous changiez ? J’en suis fournaise
Et bien ! tancez maintenant.

© Amina MEKAHLI

Echange en faux lit

Echange
cuillère en argent
contre baguettes chinoises
et livre d’or
contre carnet de voyage
Echange
odeur de sainteté
contre parfum de nostalgie
et manque de savoir-vivre
contre nécessaire de survie
Echange mot d’ordre
contre un mot à dire
et chant patriotique
contre blague à part
Echange carte du monde
contre grande ours en peluche
et lignes de frontières
contre ligne privée
Echange main basse
contre haute tension
et petits voyous
contre grand Meaulnes
Echange ventre affamé
contre gros yeux
et faux cil
contre vrai maure
Echange tourment
contre tournis
et tournage
contre tourbillon
Echange un grand j’ai cru
contre un petit j’ai vu
et un chemin de croix
contre la croisée des mondes
Echange tes deux vies
contre mes six lances
et tes dix cours
contre mes cinq hop!
Echange train en panne
contre train quai
et panne africaine
contre lu Cid
Echange kilogramme
contre kilomètre
et régime total y taire
contre tôt t’aime et ta boue
Echange visa vie
contre vue sur mes dix terres à nez
et balle des vents pires
contre grand bal con.
Echange sous mis
contre  rai volt
et déserte heure
contre petit soldat de plomb.

© Amina MEKAHLI

Ce texte fait partie d’une série  intitulée “Echange au gré du troc”