Effleurements

Sur tes promesses d’hier
Je couche mes instants
En leur chantant l’envol
Comme tu me chantais
L’oubli.

Apaisés et transis
Les yeux endormis
Ils enlacent demain
Comme tu me tenais
La main.

Le réveil fleurira
Quand naitra le jour
Car de toutes les nuits
Aucune n’est restée
Plus.

Mes ailes ont vieilli
Et battent sans écho
Me trainent hors du nid
Chercher ton doux
Pays.

Mon corps en émoi
Se souvient encore
Des images volées
Que mes yeux  ont
Contées.

Ton chant silencieux
Se meurt dans l’eau
Quand je jette le galet
Pour y chercher tes
Baisers.

Sur tes effleurements
Je réveille mes instants
En leur chantant l’envol
Comme tu m’inventais
La vie.

 

© Amina MEKAHLI

 

Si Facebook existait en 1857…Quelques commentaires à la parution du volume “Les fleurs du mal” de Charles Baudelaire

« Les fleurs du mal » par CHARLES BAUDELAIRE. Volume mis en vente le 25juin 1857.

 *

 La première étude critique consacrée aux « Fleurs du mal » est celle que GUSTAVE BOURDIN donna dans le Figaro du 5 juillet 1857.

 

«  J’ai lu le volume, je n’ai pas de jugement à prononcer, pas d’arrêt à rendre ; mais voici mon   opinion (….)

«  Il y a des moments où l’on doute de l’état mental de M. Baudelaire, il y en a où l’on en  doute plus ; _c’est, la plupart « du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes « mots, des mêmes pensées.L’odieux y coudoie « l’ignoble ; le repoussant s’y allie à l’infect. (….)

«  Jamais on n’assista à une semblable revue de démons, de fœtus, de diables, de chloroses, de  chats et de vermine. « Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l’esprit, à toutes  les putridités du cœur. (….)Si l’on comprend « qu’à vingt ans l’imagination d’un poète puisse  se laisser entrainer à traiter de semblables sujets, rien ne peut justifier « un homme de plus de «trente, d’avoir donné la publicité du livre à de semblables monstruosités. »

 

Le 13 juillet 1857 GUSTAVE FLAUBERT écrivait une lettre enthousiaste.

  

«  Franchement cela me plait, et m’enchante.

«  Vous avez trouvé moyen de rajeunir le romantisme. Vous ne ressemblez à personne (ce qui  est la première de toutes « les qualités).L’originalité du style découle de la conception. La  phrase est toute bourrée par l’idée, à en craquer.

«  J’aime votre âpreté, avec ses délicatesses de langage qui la font valoir, comme des  damasquinures sur une lame « fine. (….)

«  En résumé, ce qui me plait avant tout dans votre livre, c’est que l’art y prédominé puis vous  chantez la chair sans « l’aimer, d’une façon triste et détachée qui m’est sympathique. Vous  êtes résistant comme le marbre et pénétrant « comme un brouillard d’Angleterre. »

 

Le 14 juillet 1857, Le ‘Moniteur universel’ intervenait. EDOUARD THIERRY, parlait de « chef d’œuvre »et défendait Baudelaire :

 

«  Le poète ne se réjouit pas devant le spectacle du mal. Il regarde le vice en face, mais comme  un ennemi qu’il « connaît bien et qu’il affronte. (….)Il parle avec l’amertume d’un vaincu qui  raconte ses défaites.(….)

«  Je le rapproche de Dante, et je réponds que le vieux florentin reconnaîtrait plus d’une fois dans le poète français sa « fougue, sa parole effrayante, ses images implacables et la sonorité  de son vers d’airain. »

 

Amina MEKAHLI.

Source : Les Fleurs du mal BAUDELAIRE par Raymond DECESSE. Sélection littéraire BORDAS

Viens sous mon froid bleu

Si délaissé tu fuis ton ombre

apaisant ta vertu aux non-dits

buvant à la santé des cendres

dans un dernier vers décomposé

le jet nauséabond de ta mal-vie.

 

Si déporté à l’autre bout de l’âme

tu vogues lointain sans emprise

cherchant l’île engloutie en ta mer

démontée, sous un ciel de tourment

à l’abri de ton épave, de tes débris.

 

Si délaissé tu fuis ton ombre

Comme je fuis mes décombres

en claquant des  pieds, meurtri

par les paroles d’un disparu

Viens sous mon froid bleu…

 

Buvons ces encres frelatées

Buvons à la santé des cendres

Buvons aux bruits de la vertu

Buvons le jet nauséabond  jusqu’à l’ennui …

 

Amina MEKAHLI.

Testament de l’échec

Je t’écrivais souvent,je t’écrivais beaucoup,je t’écrivais trop. C’était trop.J’ai arrêté.Je m’écris à moi même souvent,un peu trop souvent,je me harcèle,je me dérange,je me fais sursauter à des heures indues,je me peste contre moi et je me rendors.Tu me questionnes souvent,tu m’interroges toujours,tu attends.Tu as tort.J’avais tort.Je t’écrivais parce que j’aime écrire.Je ne t’écrivais pas parce que j’aime t’écrire.Tu me l’as dit:Tu n’aimes pas lire.Tu me l’as dit et j’aime écrire.Tu me l’as dit:SI je ne te lis pas c’est parce que je ne t’aime pas.Je ne t’aimais pas non plus.Je t’écrivais car je voulais apprendre à aimer

t’écrire.

Je ne sais toujours pas si je t’écrivais

finalement.

Je ne sais même plus pourquoi écrire

finalement.

Les mots s’étranglent,les sens se tordent,les lignes  n’ont pas de souffle,les verbes ne tremblent pas,les points coupent la respiration.

 

Je ne sais pas écrire un sourire en coin.

Je ne sais pas écrire un regard complice.

 

Je ne sais plus écrire mon nom depuis que j’ai entendu une voix qui m’appelle dans la rue.

Amina MEKAHLI.(Extrait de “Testament de l’échec”)