Huit mars et une voix

Je me suis jetée dans leurs voix
comme une flamme en manque
de bois et d’air
Brûlant les forêts millénaires
et les arbres du temps de paix
Puis mon silence comme un jet d’eau
a rendu à l’horloge son siècle :
celui de tous les âges confondus.

Ils auraient pu m’insuffler la vie,
celle que j’attendais depuis l’an mort ;
j’aurais incendié les nuages et la pluie,
jusqu’aux cendres de l’épuisement,
jusqu’à la pénombre du jour nouveau,
jusqu’à la terrasse du monde silencieux.

Ils auraient pu attiser les vents contraires
et les braises méconnues,
puis faire feu de tout amour
comme il vient…sur moi

Je demeure de glace et sans voix
comme une montagne crevassée,
sous les pas des prédateurs perdus,
sur la cime du mont des cadavres ;
et je rêve sous terre de l’éclosion
d’un chrysanthème ou d’une promesse.

Amina MEKAHLI.

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Fragments d’une boule de cristal

Tout semble s’arrêter,
le temps,
le deuil,
l’envol des âmes et des oiseaux

Et pourtant, son front en sueur et ses muscles en acier,
qui tirent le passé enfermé vers
l’extérieur
chantent l’hymne à la joie

Jour après an, les murs défraîchis de la cabane,
accrochée aux nuages,
repoussent vers la terre
les dernières éclaircies de la mémoire

Les morts n’auront plus de lits à la tombée du jour,
quand les vivants iront contempler la mer,
en écoutant l’eau de la source
couler dans le silence des marabouts
gardés par une femme
sourde et muette

La couleur du henné
rougeoyant comme le soleil
continuera à disparaître au fond du vieux bendir
jusqu’à la fusion du départ et du recommencement

Amina MEKAHLI, « Fragments d’une boule de cristal »

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Un texte au milieu de rien

Sur son châle bleu en mohair tout effiloché dont les poils tombent partout sur son passage -on aurait dit un châle malade-, elle a accroché des dizaines de barrettes usées dont le scintillement usé, lui aussi par le temps et la saleté, ressemblait à un ciel étoilé, traversé par les nuages épais d’une nuit d’orage.
Sa maigreur qui tire su sa peau jusqu’à la fendre en des centaines de gerçures violacées, donne quand même à sa pâleur quelques reflets de couleurs. Rien ne la distingue d’une petite mendiante ordinaire ou presque, un petit détail pourtant a attiré le regard de ce grand homme aux allures princières.
Un homme aussi différent qu’elle pouvait l’être. Gantées d’une paire de mitaines en cuir luisant, ses mains sont lourdement chargées de deux grands sacs en cuir flambant neufs. Ils marche difficilement en suivant le balancement régulier de la charge qu’il traîne à bout de bras.
Essoufflé presque au moment où il aborde la petite fille au châle bleu en mohair tout effiloché, qui a un fou rire à sa vue.
Un rire tellement franc et fort qu’elle arrive sans peine à le communiquer au jeune homme aux habits luxueux, qui après avoir déposé ses sacs volumineux sur un banc public, a pris soin d’ôter son chapeau en feutre pourpre pour la saluer.
— Bonsoir jeune fille !
— Excuse-moi mais c’est trop drôle ! Je ris, je ris, je ris…
— Riez, donc ! Vous avez bien raison de rire. N’avez-vous pas froid ?
— Oh ce que tu es drôle ! Je vais mourir de rire pas de froid. Je ris, je ris, je ris…
— Vous avez des larmes, jeune fille !
— Oui de rire. Tu me fais trop rire !
— Vous me rassurez ! Si vos larmes sont de rire…
— Qu’avez-vous dans ces gros sacs ? Des morts ?
— Non des châles. Des châles en mohair bleus. Je suis fabricant de châles en mohair.
— C’est quoi la mohair ?
— Le et pas la mohair car c’est un poil, est une laine fabriquée à partir de la toison de la chèvre angora.
— Tu es trop drôle et tu dis des choses trop drôles. Une chèvre ! Je ris, je ris, je ris.
— Mes châles sont exactement comme celui que vous portez. C’est pour cela que je me suis arrêté pour vous parler.
— Ne me dis pas qu’il est à toi car je l’ai trouvé jeté dans un cimetière.
— Le cimetière où je l’ai déposé, il y a trois ans.
— Tu veux le reprendre c’est cela ? Donne-moi tes gants je te le donne. C’est aux mains que j’ai le plus froid quand il fait froid.
— Non je ne veux pas vous le reprendre, mais tenez, prenez mes gants je vous les offre.
— Je ne suis pas une mendiante.
À peine a-t-elle fini de prononcer sa phrase que son châle bleu en mohair tout effiloché dont les poils tombent partout sur son passage, s’est envolé très haut dans le ciel étoilé de cette nuit glaciale. Sur le banc public à côté des deux sacs en cuir, un bout de mohair bleu virevolte encore comme une feuille morte…
La petite fille a disparu.
Amina MEKAHLI. (un texte au milieu de rien)

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Amina Mekahli à la Librairie Point Virgule en partenariat avec l’Institut Français d’Alger le Jeudi 30 janvier 2020 de 18h00 à 2h00 du matin

La Librairie Point Virgule en partenariat avec l’Institut Français d’Alger organise le Jeudi 30 janvier 2020 de 18h00 à 2h00 du matin, une soirée exceptionnelle sur le thème « ETRE VIVANT ».

Cette soirée sera animée par des auteurs, des artistes peintres, des médecins avec une exposition de peinture.

Débats, ventes dédicaces, exposition de peinture et de la belle musique seront au programme!

Les places étant limitées, nous vous prions de bien vouloir nous confirmer votre présence.
Editions DALIMEN
Tél./Fax : (+213) 0555 013 014
Adresse : Résidence Nour, 7 rue de l’abattoir, Chéraga, Alger.
Site Web : www.dalimen.com

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