« Les fleurs du mal » par CHARLES BAUDELAIRE. Volume mis en vente le 25juin 1857.
*
La première étude critique consacrée aux « Fleurs du mal » est celle que GUSTAVE BOURDIN donna dans le Figaro du 5 juillet 1857.
« J’ai lu le volume, je n’ai pas de jugement à prononcer, pas d’arrêt à rendre ; mais voici mon opinion (….)
« Il y a des moments où l’on doute de l’état mental de M. Baudelaire, il y en a où l’on en doute plus ; _c’est, la plupart « du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes « mots, des mêmes pensées.L’odieux y coudoie « l’ignoble ; le repoussant s’y allie à l’infect. (….)
« Jamais on n’assista à une semblable revue de démons, de fœtus, de diables, de chloroses, de chats et de vermine. « Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l’esprit, à toutes les putridités du cœur. (….)Si l’on comprend « qu’à vingt ans l’imagination d’un poète puisse se laisser entrainer à traiter de semblables sujets, rien ne peut justifier « un homme de plus de «trente, d’avoir donné la publicité du livre à de semblables monstruosités. »
Le 13 juillet 1857 GUSTAVE FLAUBERT écrivait une lettre enthousiaste.
« Franchement cela me plait, et m’enchante.
« Vous avez trouvé moyen de rajeunir le romantisme. Vous ne ressemblez à personne (ce qui est la première de toutes « les qualités).L’originalité du style découle de la conception. La phrase est toute bourrée par l’idée, à en craquer.
« J’aime votre âpreté, avec ses délicatesses de langage qui la font valoir, comme des damasquinures sur une lame « fine. (….)
« En résumé, ce qui me plait avant tout dans votre livre, c’est que l’art y prédominé puis vous chantez la chair sans « l’aimer, d’une façon triste et détachée qui m’est sympathique. Vous êtes résistant comme le marbre et pénétrant « comme un brouillard d’Angleterre. »
Le 14 juillet 1857, Le ‘Moniteur universel’ intervenait. EDOUARD THIERRY, parlait de « chef d’œuvre »et défendait Baudelaire :
« Le poète ne se réjouit pas devant le spectacle du mal. Il regarde le vice en face, mais comme un ennemi qu’il « connaît bien et qu’il affronte. (….)Il parle avec l’amertume d’un vaincu qui raconte ses défaites.(….)
« Je le rapproche de Dante, et je réponds que le vieux florentin reconnaîtrait plus d’une fois dans le poète français sa « fougue, sa parole effrayante, ses images implacables et la sonorité de son vers d’airain. »
Amina MEKAHLI.
Source : Les Fleurs du mal BAUDELAIRE par Raymond DECESSE. Sélection littéraire BORDAS