Elle m’a appris des mots
trop grands pour ma bouche
et des chansons tristes
qui me font encore pleurer.
Ses mains noueuses sur moi
elle me parlait de disparus
et elle avait disait-elle
un soleil pour elle seule
elle n’avait pour tout métier
que l’amour de ses bêtes
La bergère.
Je l’ai croisée un jour de peine
quand je fouillais les chemins
à la recherche de mon idée
sur le bonheur des gens perdus.
Elle ne m’offrit pour tout abri
qu’un sourire qui vieillissait
et quelques dattes desséchées,
sa chaumière était le luxe
qu’elle offrait à ses amies
des brebis qui allaitaient.
La bergère.
Elle me dit un jour de pluie
que ma vie était ratée
mon chemin s’il était droit
n’aurait jamais croisé sa vue.
Sa tendresse était entière
mais point d’homme n’en goûtait
elle portait sa bouche fripée
à celle goulue de ses agnelles
en leur passant ses doigts crochus
sur leur toison immaculée.
La bergère.
Elle m’apprit sans me parler
qu’elle n’avait rien à raconter
elle riait de ses yeux jaunes
de mes histoires du passé
et un jour elle dit la prophétie
qu’à ce jour encore je n’oublie,
Tu es une âme comme mes brebis
jusqu’au jour de la mort, de ces rares
bouches qui t’évoquent dans la nuit,
alors comme elle tu seras poussière qui n’a jamais existé…
La bergère.
© Amina MEKAHLI