La baie au diable

Quand un soir tu t’es mis à semer des îles sur l’océan de mon naufrage, des îles mirifiques, aussi vraies qu’impalpables, lointaines ! Quand un soir tu as décidé de les éclairer de tes phares en feu, brûlants ; des torches mensongères scintillantes de mille mirages.

Je n’ai jamais su nager, tu le sais, ni jamais su m’agripper aux épaves, mes bras sont trop courts et mon souffle en extinction se noie dans l’eau salée.

De tes mains de velours, tu continues à semer, telles les cendres de mes restes incinérés, des milliers d’îles, des îles de promesses et d’absence, des îles d’attente et d’exil, des îles de départs et de néants.

De tes mains de velours, tu continues à toucher, tout sauf le labeur, toucher les plaies suintantes de larmes, les blessures jamais refermées, les paupières qui ne connaissent plus le sommeil, les bouches qui respirent le refus.

Quand un soir tu t’es mis à jeter par-dessus ton bord, les restes de souvenirs qui encombraient ta mémoire et les miettes d’histoires que tu t’es racontées ; tu croyais encore nourrir des poissons avec tes chimères, mais tu les noyais à ton insu, tous les matins en face de ton miroir.

Quand un soir, le secours vint à mon secours , sans mains et sans velours, sur des ailes dénutries, j’ai survolé tes îles, ces milliers d’îles que tu dressais sur mon égarement, comme des cailloux meurtris par le temps, comme des repères que seul toi,l’enfant de l’ours pouvais trouver.

Je m’éloigne encore, je m’éloignerai toujours de ce chemin de velours, de cette baie au diable, que tu appelais « Retour», sans doute en souvenir d’un mot d‘enfance oublié, d’un geste lointain qui revient de temps à autre, aérer les monuments de ton tourment.

© Amina MEKAHLI

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