Les fleurs barbelées

Ce matin j’écris.
J’écris pour ne rien faire d’autre,
pour m’habiller, me dévêtir
et m’écrire comme un vers nu
puis manger les restes de moi.

Miettes bleuies de satiété.

J’écris pour ne plus rien chercher.
pour laver la route des yeux
qui voient passer les habitudes,
s’affairant comme des soldats,
qui n’ont jamais connu la guerre.

J’écris pour ne pas fermer les mots,
pour découper en petits bruits,
la peine perdue des grands voyages,
les ranger comme des aller-retours
dans un vieux recueil maltraité.

J’écris pour ne rien dire d’autre,
pour broder les signes de l’eau
et prendre un air de jamais vu.
Pour ressembler à ma bouche
comme deux gouttes de pluie.

Ce matin j’ai fini
par barbouiller de rosée
les fleurs barbelées
du champs des possibles.

© Amina MEKAHLI

Chair frelatée

Les plis de ta peau s’interrogent souvent
dans le cours de l’eau qui passe sans sursaut
sur ton désir boiteux de la chair en voyage
Quand les mouettes s’arrêtent et les rossignols tombent
d’un ciel en miettes qui s’effrite en pardons.
Rancune d’un soir d’été qui se propage onde brûlée
dans des corps écarlates aux lèvres fumantes
Quand le sein se dessine sur le livre enflammé
tombé dans la fournaise des frissons calcinés
le feu s’agrippe encore à des pages tiraillées
entre un rêve éveillé et des songes fabriqués
Tes mains!Oh tes mains! menteuses et silencieuses
qui brodent les jours de gloire sans glas et sans épée
tes mains sont le tempo du bruit de ta ferveur
prière de sanctuaire qui s’adresse aux vieux serments.
Voilà le chant des anges qui volent sur la chaumière!
sans portes et sans fenêtres ouverte aux âmes bleues
les bras s’allongent aveugles pour balayer l’adieu
mais le ciel s’invite sentence et tape au grilles du jour.
Voilà ton rire s’enfuit poursuivant le vent nouveau!
qui souffle sa rose colère sur le sentier d’une peau grisée
par ton geste qui agonise en murmures de vieux regrets
dans une oreille qui grince en se serrant contre l’oubli
rien ne survivra à ta scène qui se dérobe en toi..
ni les rideaux cousus de nuit ni leur étoile en otage
Rien! marionnettiste tu tires les fils des âmes en bois
et tu façonnes des corps d’argile à l’insu des statues de sel.

© Amina MEKAHLI

Orientations

Devant les étendards
De toutes les iles perdues derrière notre brouillard
Quand s’étend le bras vide au bout du panier creux
Famine en terre de blé de quel silence manges-tu?

Devant la pénombre
La robe trainant le pan sur les sables mouvants
Les pieds brunis de chemins sur un vieux sol endormi
Et les lévres trempées dans la cigue des chants d’ésclaves

Devant la porte
Derriére tes illusions noires de nuit et grises de vanité
Tu te dénudes de toi même et t’enduis de versets
Femme blanche flagellée que te veux le vent ce soir?

Devant la sépulture
Les fleurs se ramassent par des mains immortelles
Et se font déchiqueter pour lire le livre de vie
A l’ombre du saint patron d’un mausolée sanctifié

Devant les miroirs
Sur les toits des villes fantômes oú vivent les ombres nées
Tu regardes ce qui reste de ton sourire en petits traits
Femme voilée de décence de quel ciel te caches-tu?

Devant Toi
Quand tu passes derrière les fils immobiles du temps
La tête haute haute sous le joug des pleines lunes
Et les cheveux qui s’abritent dans des mains vieillissantes

Devant les hommes
Témoins levez vous!Il n’est plus temps de raconter le dit
Il n’est pas venu le chant qui reveille les vieux tourments
Coeur à quatre vents dans quel orient te lèves-tu?

Devant les étendards
Quand vient le jour qui se léve sur nos destins écartelés
Nos têtes accrochées au peloton du dernier rêve enfui
La bouche dans la bouche pour sceller nos blancs secrets.

© Amina MEKAHLI

La six gales et la fournaise (de gens de la fonte haine)

La cigale ayant tâté
Toutes les taies,
Les trouva fort décousues
Quand la ouate fut tenue :
Pas un seul petit texto
Du louche ou du dernier sot
Elle alla dorer sa mine
Chez la fourmi en piscine.
Lui criant de s’écarter
Du rayon qu’elle convoitait.
Jusqu’à la raison soudaine
« Je lui plairais, lui dit-elle,
Avant vous, moi la rivale,
Instaurée et radicale. »
La fourmi n’est pas heureuse :
C’est là son moindre des maux.
Que feriez-vous pour votre show ?
Dit-elle à cette ambitieuse.
-Bruit et sourd à tout menant
Je changeais, de vous la niaise.
Vous changiez ? J’en suis fournaise
Et bien ! tancez maintenant.

© Amina MEKAHLI